De nos jours, la grande majorité de la transmission d’information se fait au travers d'Internet. La presse a investi cet espace et la plupart des sites de presse dédient une zone en bas de chaque article où le lecteur a la possibilité de s'exprimer. Laisser la parole à l'internaute est une évolution apportée avec l'apparition du Web 2.0, encore appelé Web participatif. Offrir un lieu où le lecteur peut réagir sur le sujet proposé pour créer de l'échange et du débat, telle était l'idée des sites de presse. Malheureusement, force est de constater que seule une faible proportion des commentaires recueillis présentent une réelle pertinence. Nombreux sont les trolls qui arpentent et saturent les sites de presse par leurs commentaires borderline, où encore les extrémistes qui tentent de faire passer leurs discours à renfort de commentaires tout faits et recasés sans même s'inscrire dans le contexte de l'article. Ainsi, il est légitime pour les sites de presse d'évaluer l'intérêt de maintenir une zone de commentaire sous leurs articles, d’autant plus que la loi oblige à modérer ces espaces d’échange, ce qui peut se révéler coûteux en temps ou en argent.
Un exemple frappant de remise en question du système des commentaires est celui du blog de Dave Winer, où il a publié et publie encore de nombreux articles liés à la technologie et aux sciences en général. Premier développeur à mettre en place en 1998 une zone de commentaire sur son blog, il décide de désactiver cette fonction 14 ans plus tard, constatant qu’un tiers des 30 000 commentaires présents relevaient de l’arnaque et du spam.
Il est possible d'envisager la controverse autour des espaces de commentaires sous les articles de presse selon différentes périodes. Alors qu'initialement la tendance générale favorisait le participatif, nous assistons dans un second temps à une remise en question de ce système, notamment via des fermetures d'espace de commentaire ou la proposition d'autres méthodes pour interagir différemment avec l'internaute. Il devient évident pour tous que les contenus publiés par les internautes doivent être modérés, faute de quoi non seulement la loi est enfreinte mais le débat devient impossible. S'il y a eu un désenchantement certain vis-à-vis du participatif, une impulsion nouvelle semble cependant se mettre en place, notamment avec le Coral Project. Il n'est plus question de se laisser abattre par les trolls qui polluent les espaces d'échange, mais plutôt de parvenir à mettre en valeur les contributions qui enrichissent le débat.
| Pour | Contre |
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| Oui | Non |
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| Oui | Non |
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| Oui | Non |
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Le début des années 2000 correspond aux prémices du Web 2.0, dit aussi Web participatif. Pour la première fois, l’avis de l’internaute est sollicité. Il s’en suit une phase d’engouement pour les espaces de commentaires, qui sont pensés comme une formidable évolution, et l’interaction avec le lecteur comme le moyen idéal pour améliorer la qualité des débats et des articles. Apparaissent également des sites d’un genre nouveau comme les réseaux sociaux, où la possibilité de donner son avis et de commenter a une importance primordiale. Parallèlement, un cadre légal commence à se mettre en place pour accompagner cette tendance. Cette période se termine sur la constatation d'un problème qui découle directement de l'apparition des commentaires : la nécessité d'une modération stricte des contenus. Le digramme qui suit met en scène les interactions qui se jouent entre les différents acteurs de cette période :
Pour la première fois, on sollicite à travers un espace de commentaire l'avis de l'internaute.
'Hot or Not' est un site au fonctionnement simple. L'internaute choisit si la personne sur la photo sur son écran est 'sexy ou non'. Des initiatives similaires avaient déjà été lancées précédemment, mais la particularité de ce site est qu'il est le premier à avoir rencontré un véritable succès.
Création de Netino, entreprise d'abord spécialisée dans la création d'espace de partage sur les site web puis qui a évolué vers la modération de ces espaces.
Les sites web français sont maintenant obligés d'engager des modérateurs et de faire apparaître le bouton "Signaler un abus" s'ils ouvrent un espace de commentaires.
Le concept de Web 2.0 est enfin formalisé lors de la conférence tenue par Tim O'Reilly. Il donne un nom à un phénomène qui s'est énormément développé et qui promet d'évoluer encore.
A partir de l’année 2007, le regard sur le participatif n’est plus le même. A l’unanimité tous reconnaissent la nécessité d’une modération des contenus publiés par les internautes. En effet, tous ont fait face à des commentaires hors de propos, « racistes ou diffamatoires » et la loi les oblige à réagir. Le système des commentaires est alors remis en question. Et alors que tout un chacun se demande si laisser l’internaute intervenir ou commenter présente un intérêt réel, on entre dans le cœur de la controverse et les avis commencent à diverger. Se développe alors l’idée qu’il faut parvenir à mettre en valeur les participations pertinentes des internautes ou bien opter pour la suppression de la possibilité de commenter, solution que choisiront certains sites.
Un site Web d'opinion sur l'actualité alimenté par des rédacteurs volontaires et non professionnels, créé par Carlo Revelli et Joël de Rosnay en mars 2005, et proposant des articles à rédacteurs uniques ou multiples.
Un site d'opinions sur des faits divers et de société, publiée par le Nouvel Obs et appartenant au groupe L'Obs. À sa création, c'était un site généraliste de débat et d'information ; il fut créé par d'anciens journalistes de Libération. Il est financé par la publicité et les formations qu'ils organisent dans leurs locaux.
Un site web d'information et d'opinion créé par François Bonnet, Gérard Desportes, Laurent Mauduit et Edwy Plenel. Il est l'un des rares « tout en ligne » grand public payant du marché français de l'information.
L'ex-PDG de Libération, Vittorio de Filippis, est interpellé chez lui et mis en examen à cause d'un commentaire publié par un internaute sous un des articles du journal.
Précise l'application de la loi de 2004 : Les sites web français doivent collecter les données utilisateur (adresse IP, entre autres) pendant un an puis les supprimer.
The Atlantic lance le site web “Quartz” en ôtant la possibilité aux lecteurs de s’exprimer en dessous des articles publiés. La raison d’une telle décision fut prise parce que les commentaires laissés par les lecteurs conduisent rarement à des débats bien argumentés et des conversations intéressantes. Pour y remédier, le Quartz optera alors un peu plus tard pour un système d’annotations permettant au lecteur d’annoter un ou plusieurs paragraphes de l’article et ainsi exprimer une opinion sur un sujet bien précis.
A partir de 2012, de nombreux sites décident de fermer en cascade leur espace de commentaires. Si au départ la majorité des sites donnent pour raison le caractère inutile voire nuisible des commentaires, on voit apparaitre une nouvelle motivation à cette fermeture. En effet certains sites indiquent qu’avec l’avènement des réseaux sociaux qui font des commentaires leur raison d’être, la place des commentaires est sur les réseaux sociaux. Ainsi, ne s’agit-il pas d’une nouvelle évolution du participatif plutôt qu’un abandon du commentaire pur et simple ? Le bilan est mitigé, en effet bien que le nombre de commentaires ne cesse d’augmenter sur ces plateformes, leurs usages se multiplient et leurs abus aussi notamment avec une politisation extrémiste de certains commentaires requérant un nouveau type de modération. De nos jours, la volonté qui prédomine est de parvenir à trouver la bonne formule pour interagir avec l’internaute. De nombreux acteurs continuent à croire au potentiel de cette interaction. On voit donc apparaitre des nouveaux projets prometteurs qui continuent de faire vivre l’espoir du web participatif, lancé 15 ans auparavant.
Le magazine américain « Popular Science » ferme son espace de commentaires sous prétexte que les commentateurs influencent énormément l’opinion du lecteur ce qui par la suite aura une conséquence significative sur l’opinion publique. Cette dernière jouant un rôle important dans les décisions concernant la poursuite de certaines recherches, il s’avère alors judicieux de ne pas altérer l’avancée technologique ou autre par de tels propos.
Lancement du Coral Project, un projet de recherche notamment porté par le Huffington Post, le New York Times et la fondation Mozilla. Ce projet souhaite aujourd'hui remettre en valeur les commentaires les plus pertinents en apportant des solutions techniques, après avoir interrogé plus de 120 média et entreprises.
De nombreuses questions soulevées par l’équipe du Chicago Sun-Time concernant la qualité des commentaires laissés sur leur site web et le ton pris par ces auteurs conduisent à la suspension des espaces de commentaires pendant une certaine période qui s’étend même jusqu’à maintenant vu que certains articles sont dépourvus de cette option. L’équipe cherche encore des solutions alternatives pour remédier à ces problèmes.
CNN, la chaîne d’information américaine, ferme discrètement les commentaires sous certains articles et ce, pendant la période de protestation de Ferguson au Missouri. La sélection d’articles se base sur la possibilité d’un débat intéressant intellectuellement parlant et sur la capacité des lecteurs à pouvoir interagir en exprimant des opinion poussées et bien argumentées. Les éditeurs de leur côté interviennent par la modération de ces conversations.
Le rédacteur en chef de Reuters, Dan Colarusso, prétend que, de nos jours, le débat s’est déplacé sur les réseaux sociaux qui offrent une plateforme de partage d’opinions plus avantageuse que celle des espaces de commentaires surtout pour les sujets d’actualité. De plus, ces sites suivent une charte de modération bien définie ce qui leur permet de filtrer les discussions et contrôler les abus.
Le nouveau site du magazine Popular Tech suit la tendance et partage particulièrement l’opinion du rédacteur en chef de Reuters concernant le rôle que jouent les réseaux sociaux dans l’alimentation des débats sur différents sujets affirmant que les réseaux sociaux offrent une opportunité meilleure aux lecteurs de s’exprimer et d’avoir des « feedbacks ».
La vague de fermeture des espaces de commentaires continue de plus belle. Cette fois c’est The Week qui en est l’auteur. En effet, accordant beaucoup d’importance à ses lecteurs et respectant leurs opinions et leurs attentes, le site, en vue du lancement d’un nouveau desgin en 2015, préfère se débarrasser radicalement des trolls et des abus qui polluent l’espace des commentaires de plus en plus en se cachant sous de faux profils. De plus, l’équipe de The Week estime que le rôle de leur site se limite dès à présent à fournir l’information et non en débattre, chose qui se fait maintenant sous les réseaux sociaux.
Après des mois d’absence, le site de Bloomberg rouvre ses portes pour accueillir un public plutôt mitigé et assez surpris quant au nouveau look qu’il offre notamment l’absence d’espaces de commentaires en a surpris plus d’un. Topolsky, confiant, explique que la décision a été approuvée par tous surtout que plusieurs sites comme Reuters et Recode ont fait de même. En effet, il affirme que les journalistes préfèrent maintenir un contact externe avec le lecteur sur les réseaux sociaux ou autres car ils ont plus de chances de toucher l’audience vu que les commentateurs ne représentent qu’une minorité.
The Guardian commented on the decision to end their own comments section just six days after the Bloomberg report. Guardian CEO Aron Pilhofer said killing off the comments section was “a monumental mistake“
L'arrêt de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme tient pour responsable la société estonienne Delfi AS pour les contenus illicites publiés par les internautes sur leurs articles.
Devant le désenchantement provoqué par certains commentaires laissés sous leurs publications (emploi d’un ton agressif, propos haineux…etc.), l’équipe de The Verge décide de faire une petite pause pendant l’été en mettant en sourdine les commentaires préservant ainsi la relation qu’ils ont bâtie avec leurs lecteurs sous une base solide et forgée par le respect.
Le site web du magazine WIRED qui se concentre essentiellement sur l'incidence de la technologie dans les domaines de la culture, de l'économie et de la politique décide de lancer un nouveau format « short post » n’incluant en aucun cas la possibilité de commenter.
L’équipe de The Daily Dot affirme que vu la position qu’occupe leur site dans la vie publique et plus particulièrement dans les communautés en ligne, l’espace de commentaires se voit être de plus en plus inutile vu que le contenu fourni par leurs publications ne cesse de se déplacer sur les réseaux sociaux où le débat prend une ampleur plus intense. De plus, suite la polémique causée par Gamergate ou Celebgate en 2015, les journaux tout comme les réseaux sociaux essaient désespérément de mettre en marche des dispositifs de lutte contre le troll
Twitter et Facebook font rage et l’équipe de The Daily Beast n’y est pas passé à côté c’est pour cette raison qu’elle décide en Aout de 2015 de fermer leurs espaces de commentaires en attendant de trouver une alternative plus interactive.
Après plus d’un an de débat acharné sur la question fatidique : Faut-il garder les espaces de commentaires fonctionnels ? la décision est prise et Motherboard ferme la section des commentaires sous prétexte que ce n’est pas le meilleur moyen d’avoir des conversations de qualité. L’équipe s’engage par ailleurs à trouver de nouvelles manières de dialoguer, de s’exprimer, de communiquer, de partager et de critiquer parce que tous comme ses lecteurs ils privilégient la qualité à la quantité.
En dépit du nom qu’il porte, le nouveau site lancé par Reddit ne comportera pas de système de classement ou de vote et encore moins d’espaces de commentaires. C’est une nouvelle expérience pour le magazine Reddit qui veut reprendre les choses en main en tout ce qui concerne le contrôle des contenus abusifs sur le site. Néanmoins, chaque publication sur Upvoted sera rajoutée sur le forum de Reddit où le lecteur aura l’occasion de la commenter.